En 1972, Tita et moi avions 16 ans et nous avons découvert un bouquin
qui nous a transportées, bouleversées ! Notre premier coup de foudre littéraire.
" l’Attrape-Cœurs "
de J.D. SALINGER
Nous avons fait la connaissance d’Holden Caulfield un ado américain de notre âge .
Il vient d’être une nouvelle fois renvoyé de son collège et avant d’aller annoncer la nouvelle à ses parents, il décide de
déambuler dans les rues de New-York.
Seul, un peu paumé, il nous parle dans son langage d’ado sans pitié ni indulgence simplement avec son cœur.
Il nous dit ses peurs, ses faiblesses, sa façon de voir les gens et les choses. C’est pertinent, souvent très drôle, toujours
sincère.
A propos de son collège pour gosses de riches.
" Depuis 1888 nous travaillons à former de splendides jeunes hommes à l’esprit ouvert."
Tu parles ! Ils forgent pas plus à Pencey que dans n’importe quelle autre école. Et j’y ai jamais connu personne
qui soit splendide, l’esprit ouvert et tout. Peut-être deux gars .Et encore. C’est probable qu’ils étaient déjà comme ça en arrivant . "
A propos des filles :
"Quand nous revînmes nous asseoir, j'étais à moitié amoureux d'elle. Voilà l'ennui avec les filles.
Chaque fois qu'elles font quelque chose de bien, même si elles n'ont pas beaucoup d'allure, ou même si elles sont stupides, vous tombez à moitié amoureux d'elles, et alors, vous ne savez jamais
où diable vous en êtes. Les filles. Jésus-Christ. Elles sont capables de vous rendre cinglé. Vrai, elles y arrivent."
Il rend visite à un de ses professeurs Mr Antolini qui tente de l’aider de son mieux.
"Je crois qu'un de ces jours, dit-il, il va falloir que tu saches où aller. Et puis, il faudra que tu y ailles. Mais
immédiatement. Tu ne peux pas te permettre de perdre une minute. Pas toi."
Il se brouille avec sa copine Sally qui refuse de le suivre dans une improbable escapade pour le Massachusetts. La
dispute se conclut d'ailleurs par un aveu d'échec existentiel :
"Y aura nulle part où aller à la fin de nos études."
Au fil de ses rencontres il découvre l’hypocrisie, l’indifférence, la bêtise ou la cruauté du monde qui
l’entoure.
Holden est inquiet et essaie de ne pas trop le montrer.
- "Et vous ne vous faîtes aucun souci pour votre avenir ?
- Oh oui bien sûr.. Mais pas trop quand même.
- Ça viendra, a dit le père Spencer Ça viendra un jour mon garçon. Et alors il sera trop tard."
J’ai pas aimé ça .On aurait cru que j’étais mort ; ou tout comme, j’ai eu le
cafard.
Une chose le préoccupe : que deviennent les canards de Central Park lorsque le lac est gelé ?
Cette question en cache sans doute une autre..
Que deviennent les hommes lorsqu’ils perdent tout contact chaleureux avec les autres et lorsque la glace peu à peu les enserre
?
Parfois il s’accroche à ses souvenirs, il pense à son jeune frère trop tôt décédé et souvent à sa petite sœur Phoebé
qui réchauffe son cœur par sa fraîcheur et sa gentillesse.
Les aventures d’Holden sont cocasses, parfois sordides, souvent émouvantes. Entre nostalgie de l’enfance insouciante et pure et
angoisse d’un avenir incertain Son errance, c’est l’adolescence, la nôtre et celle que nous retrouvons beaucoup plus tard à travers le regard de nos enfants devenus à leur tour des
ados..
Ce roman n’a pas pris une ride. Ce garçon dans l’Amérique des années 50 qui ne trouve nulle part sa place, qui a envie de fuir,
nous aimerions lui tendre la main, lui redonner confiance.
J’ai fait quelques recherches sur Internet à propos du roman et de son auteur.
Je vous en parlerai bientôt . Je ne voudrais pas vous lasser !
Je vous livre ce très beau passage du livre. Mon préféré.
Holden va bientôt rentrer chez lui. Juste avant, il emmène sa petit sœur en promenade. C’est la fin de sa fugue solitaire et un moment de tendresse
magique.
" Elle a couru acheter un billet et elle est revenue juste à temps sur le foutu manège. Puis elle a fait tout le tour pour
retrouver son cheval. Elle est montée. Elle a agité la main vers moi .Et j’ai agité la main.
Ouah. Ca s’est mis à pleuvoir. A seaux. Je vous jure. Les parents, les mères, tout le monde est allé s’abriter sous le toit du manège
pour pas être trempé jusqu’aux os mais moi je suis resté un moment sur le banc.
J’étais vachement mouillé spécialement dans le cou et puis mon pantalon. Ma casquette, c’était pas mal comme protection mais quand
même j’étais traversé. Je m’en foutais. Subitement , je me sentais si formidablement heureux., si vous voulez savoir. Pourquoi, moi je sais pas.
C’était juste qu’elle était tellement mignonne et tout, à tourner sur le manège dans son manteau bleu et tout.
Bon Dieu j’aurais vraiment aimé que vous soyez là. "
Cet article est destiné en particulier à mon amie d’enfance, d’adolescence, de toute une vie, Tita.
Je le dédie aussi à mon fils Guillaume qui n’a pu trouver sa place sur cette terre..