Les mots voyageurs
Publié le 23 Août 2008
En furetant dans les rayons de livres de ma biblio préférée (celle de Figeac bien sûr!)
je suis tombée sur un bouquin:
" L’aventure des mots français venus d’ailleurs " écrit par Henriette Walter.
Pour moi , un véritable trésor ! !
On sait que notre langue est issue du latin mais on oublie souvent qu’elle s’est enrichie au cours de sa longue histoire d’apports venus des quatre coins du monde. Apports grecs, celtiques, germaniques mais aussi italiens, espagnols arabes, néerlandais et même africains, amérindiens, persans et japonais ! !
Car les mots ont souvent fait de voyages au long cours avant de s’installer dans notre bon vieux français .
Tous ces emprunts ont forgé la personnalité de notre langue et lui ont donné toute sa
richesse.
Le français langue latine
évidemment ! A priori, a posteriori ,ex-aequo, intra-muros, in extremis, curriculum
vitae…ont gardé leur forme latine initiale.
Mais ce sont surtout les botanistes et les chimistes qui emploient toujours les noms latins pour nommer plantes fleurs fruits ou formules chimiques.
Par exemple le " petroselinum" est une plante qui pousse entre les
pierres
..et c’est notre persil !
L’olea europaea est notre
olive.
Le nom des nuages est toujours latin. Les cumulus, les nimbus, les cumulo-nimbus…
Merci les Romains… mais n’oublions pas les Grecs à qui nous devons une grande partie de notre lexique.
Les termes médicaux ont conservé leur base grecque.
Céphal la tête, oto l’oreille, rhino le nez, derm la peau… Thérapie, traitement soin, traumat blessure, algie, douleur..
Latin et grec depuis des siècles se font concurrence !
Pour exprimer la petitesse par ex. on peut utiliser mini ( latin) ou micro (grec).
Pareil pour maxi et méga ( grand) , multi et poly (nombreux) , equi et
iso ( égal) !
Petite histoire d’un mot : pétrole
Vient du grec petr-oleum, huile de pierre.
Aux Etats-Unis, cette huile de pierre était déjà connue des Indiens qui l’utilisaient à des fins médicales jusqu’à ce que vers 1830, un propriétaire du Kentucky faisant creuser un puits pour avoir de l’eau s’aperçoive que c’était du pétrole qui jaillissait. Le liquide se répand sur une rivière toute proche, les gens y mettent le feu et c’est une explosion de stupeur et de joie ! Le miracle de l’eau qui s’enflamme . La fièvre de l’or noir est née .Le pétrole des Indiens allait éclairer et chauffer le monde !
En français, on a longtemps appelé ce produit l’huile de pétrole .
Un mot inventé par un médecin. Microbe
A la fin du 19ème siècle, le chirurgien Charles Sédillot ,devant l’abondance de termes pour désigner les êtres vivants de très petite taille (bactéries, vibrions..)
a cherché à les réunir sous un seul terme. Il a choisi les racines grecques bios être vivant et
micros petit. Il inventa le mot microbe !
Des noms de personnes deviennent parfois des nom communs. Ce sont des éponymes
Par exemple, c’est Eugène Poubelle qui en 1884 obligea les parisiens à regrouper leurs ordures dans
des boîtes à ordures que l’on nomma poubelles !
L’architecte Mansard pour mansarde.
Les frères Montgolfier pour les montgolfières.
Alexis Godillot fournisseur de chaussures pour l’armée en 1870 .
Jean Nicot découvrit une substance dans le tabac que l’on nomma nicotine.
Un moine italien Conti Calepino donna son nom au calepin.
Volta, savant italien et Watt, savant anglais sont évoqués à chaque fois que l’on achète une ampoule
de 100 watts fonctionnant en 220 volts !
Des noms de lieux sont aussi devenus des mots de notre langue.
Une berline : le 1er carrosse à capote fut construit à Berlin vers 1670)
Une bougie : en Algérie, dans la ville de
Bougie, on fabriquait des chandelles en cire fine dès le 14 ème)
Du bristol : en Angleterre à Bristol on fabrique du carton de très bonne qualité depuis le 19ème.
Un phare : du nom de l’île de Pharos à
l’entrée du port d’Alexandrie.
Le jean : ce tissu était à l’origine celui des pantalons des marins de Gênes en Italie. Prononcé à l’anglaise il devint " jean " !
J’ai eu une petite élève prénommée Cattleya et
j’ai découvert qu’un botaniste William Cattley a donné le nom de Cattleya à une orchidée. Proust évoque cette fleur rare dans
son roman " A la recherche du temps perdu. "
D’où viennent les noms des couleurs ?
Le blanc le gris le brun le bleu et le fauve sont d’origine germanique.
Le noir le rouge et le vert d’origine latine.
Le rose semble très ancien et son origine reste mystérieuse.
Au Moyen-âge, on appelait le renard goupil. Puis on lui a préféré renart , le héros
du roman de Renart. Seule l’orthographe a changé.
Des mots venus du froid (
Scandinavie)
Liés à la mer : crique, étrave, flotte, harpon, homard, vague, varech..
Mais aussi bidon, carlingue, duvet, flâner, girouette, guichet, hanter, haras…
Et même joli. A ce propos, ce mot rappelle le nom d’une ancienne fête païenne de Scandinavie pour célébrer le solstice d’hiver " God Jul " (qui est devenue notre fête de Noël )
En ancien français, on retrouve jolif , signifiant
gai, beau , mais aussi ardent amoureux. Ce dernier sens se retrouve exactement dans notre expression un peu désuète " faire le joli cœur. "
Boulanger est un mot qui nous vient du néerlandais ! ! A l’origine, la langue des Francs. Le boulanger " celui qui confectionne des boules de
pain " a définitivement remplacé les formes de l’ancien français panetier et pestor.
Le mot familier bouquin a été emprunté au néerlandais " boekelkijn " diminutif de " boek " livre.
L’histoire de la petite crevette.
Le mot crevette est le diminutif de capra ( chèvre en latin ). On l’appelait ainsi en raison de ses déplacements par bonds.
En ancien français, la forme pour le crustacé était " chevrette ". Plus tard la forme
crevette l’a avantageusement remplacée. La crevette saute dans l’eau et la chevrette gambade sur terre !
L'influence arabe
Le français a emprunté ( et gardé) une grande quantité de mots arabes.
Les plus récents je les connais bien puisque je suis née en Algérie de famille
pied-noir.
Le caoua ( café)
Fissa ! (vite ) maboul (fou) ramdam (tapage ) un chouia (un tout petit peu ) le toubib le lascar la guitoune ( tente) kif-kif (
pareil)..
Mais nous ignorons que d’autres apports plus anciens ont enrichi notre langue dès le moyen-âge. Sirop et sorbet ont été apportés par les Croisades. Le mot chiffre
vient de " sifr ".
Dans certains mots, on reconnaît l’article défini –al comme dans alambic, alcool alcôve, algèbre ou algorithme.
Les naturalistes ont emprunté à l’arabe de nombreux noms d’animaux : alezan ,fennec, gerboise, gazelle ou girafe.
Grands commerçants et grands voyageurs les Arabes ont apporté en Europe des objets venus d’orient et avec eux les mots pour les désigner :
Orange ( sanskrit), riz (hindi), minaret (turc), azur (persan.)
Justement, le persan nous a offert le pyjama ( vêtement des jambes)
la tulipe, le jasmin, le nénuphar, le safran, le pilaf (plat de riz). Egalement la tasse, le divan, le bazar et le
kiosque.
Langues française et italienne, les cousines
Merci l'Italie, pour le festin et le
banquet.
Les arpèges, le solfège et la
sérénade.
La lavande,
l’ombrelle et le parasol.
Et les verbes réussir, risquer, caresser et batifoler !
Ami venu des Pyrénees, l'espagnol nous a donné Camarade et puis moustique. Jonquille, peccadille, lagon et baie.
Et la cédille (zedilla ou cedilla petit z ).
Le petit mot canari a une histoire !
Le petit serin au plumage jaune vif doit son nom à celui des îles Canaries. Cependant, ce n’est pas pour ces petits oiseaux que ces îles étaient célèbres dès
l’antiquité, mais pour ses grands chiens " insula canaria " signifiait en latin l’île aux chiens !
Les Espagnols nous ont aussi rapporté de leurs
voyages en Amérique du Sud des mots nouveaux et exotiques ! La tomate était cultivée par les Incas et les Aztèques. Le cacao, le chocolat, l’avocat et la cacahuète ont
débarqué en Europe. Ainsi que lama, alpaga, puma, goyave, maïs, papaye, patate douce iguane, caïman, pirogue..
Les Portugais eux aussi nous ont légué des mots venus d’Amérique latine.
Comme cobaye piranha jaguar couguar.
Acajou et ananas que les indigènes nomment ana-ana "parfum des parfums"
L'anglais vieux compagnon de route
Les débuts de nos échanges remontent au Moyen-âge et nos deux peuples se sont passé des milliers de mots.
Par exemple, flirter a pour origine un mot français fleureter " conter
fleurette " et tennis vient de " tenez ! " exclamation entendue au jeu de paume au moment de lancer la balle !
Nous avons calqué des expressions anglaises (traduites mot à mot de l’anglais) comme lune de miel, juge de paix, machine à
vapeur, libre-penseur, hors- la- loi ordre du jour .
Il y a des mots anglais dont on ne
pourrait que difficilement se passer.
Week-end, hold-up, cutter, flash, overdose, clip… et bien sûr le vocabulaire de l’informatique.
L'autre bout du monde
" Faire la bamboula " c’est faire la fête en Guinée.
La vahiné et le paréo nous
viennent de Tahiti.
Le karaoké, le mikado, le bonsaï et le kimono
nous arrivent du Japon.
Et le petit dernier " bivouac. " d’où vient-il celui-là. ?
Et bien il nous vient d’un dialecte suisse et désigne à l’origine une patrouille supplémentaire de nuit !
Certains mots français sont devenus internationaux comme hôtel , restaurant buffet, croissant ou garage.
Au Quebec , une nouvelle langue est née à partir du français bien sûr, mais vraiment originale maintenant ! Jugez
plutôt :
Tourlou (au revoir !) Tiguidou (parfait, ça marche ) (petit ami)
Maringouin (moustique) Faire la baboune (bouder) un bec (bisou) Tataouiner (perdre son temps) Toppe
(cigarette )…
Et mon préféré : pelleter les nuages (rêver)
Quant à nos prénoms eux aussi prouvent bien ce mélange des origines. Dans notre famille on fait déjà un bon tour du monde !
Arlette ( la maman de Chris ) est un prénom d’origine irlandaise et signifie
promesse. Marcelle (ma maman) est un prénom d’origine latine ( dédiée à Mars, dieu de la guerre ).
Lucille vient aussi du latin (lumière ) comme Rémy (rameur). Christian vient du grec (messie). Guillaume (protecteur résolu ) et Bertrand ( brillant corbeau) sont d’origine germanique. Thomas
vient de l’araméen " toma " (jumeau) et Lola est espagnol (douleur ). Mon prénom Maryline est hébreu (celle qui élève.
Les mots sont vraiment de grands voyageurs.
Henriette Walter raconte l’histoire de ces mots, de ces vagues d’immigration parfois clandestine qui
ont petit à petit donné ses couleurs à notre langue française.
Et en découvrant ce livre, je me suis régalée tout en apprenant beaucoup !